• Création de la


    "La Haute Facture" pousse les meubles


    Une dizaine d'éditeurs de mobilier et d'objets associent leurs savoir-faire pour créer une "haute couture de la déco et du design".

    (1) Les éditeurs de la Haute Facture contemporaine française, soutenus par le ministère de l'Industrie (PME), sont adhérents de l'Unifa (Union nationale des industries françaises de l'ameublement) et bénéficient de l'aide du Via (valorisation de l'innovation dans l'ameublement) : l'appellation «Haute Facture» revient à Gérard Laizé, directeur de cette institution.

    La haute facture regroupe: Guillaume Vincent. Michael Wagner & Laurent Charles. Philippe Coudray. Christophe Delcourt. Nicolas Aubagnac. Régis Mathieu. Philippe Parent. Xavier Dohr. Sylvie Coquet. Domeau & Pérès.
    Prochaine exposition au Via, en mai 2005.
    29-33, avenue Daumesnil, 75012. 01 46 28 11 11.

    Ronze, velours, macassar ; méthacrylate, fibre de verre, résine de synthèse... Au Salon du meuble ou à la dernière Biennale des éditeurs de la décoration, en janvier, les matériaux les plus anciens ou les plus technologiques, les formes les plus différentes cohabitaient sur le stand des éditeurs de la Haute Facture contemporaine française. C'est sous cette appellation que décorateurs, stylistes, designers, artisans et fabricants de dix petites maisons différentes ont réuni leurs forces, dans une association qui se veut la haute couture de la déco et du design. (1)

    Philippe Parent, décorateur et président de ce jeune «club», depuis longtemps attaché «à la part contemporaine que l'on peut extraire de la tradition des métiers d'art», explique que «ce groupement est d'abord un stimulant économique pour les éditeurs que nous sommes, c'est-à-dire des professionnels qui vendent leurs pièces, qui ont un catalogue international et l'entreprise commerciale qui suit. Nous nous donnons de la visibilité. En aucun cas, il s'agit d'une chapelle stylistique. C'est pour créer une émulation entre nous, et des liens entre nos différents domaines». Entre mobilier, luminaires, art de la table, tissus, tapis...

    Grâce à ce tremplin, le décorateur Xavier Dohr entend dépoussiérer tout ce qui, dans le vocable «savoir-faire», renvoie injustement à un artisanat désuet, aux styles (Louis XV, Empire...) si résistants en France. Avec un credo social. «Il faut sauver les ateliers d'artisans très performants, défend-t-il. Il n'y a pas que des tape-clous ! Nous regrouper, c'est défendre l'excellence de leurs mises en oeuvre, et le haut de gamme que nous pratiquons grâce à eux. Un meuble a besoin d'un concepteur, mais aussi de cinq à six artisans.»

    Hors tendances, ces pièces de haute facture s'adressent bien sûr à une clientèle aisée mais que Xavier Dohr estime «rajeunie», qui en a assez du total look ­ tout design ou pur style, tout standard ou tout copie. Et qui pratique les mélanges, attend du sur-mesure, aspire à une identité personnelle, à travers un créateur, pas forcément une signature. Du luxe, certes, mais pas tapageur, à des prix «marché» c'est-à-dire calculés par rapport aux coûts de production, contrairement à certaines «oeuvres» de design vendues en galerie. Les éditions des pièces ne sont pas limitées, si ce n'est par la demande.

    La haute facture pourrait bien être un lieu de débat entre les arts décoratifs et le design, champs aux frontières incertaines, qui s'affrontent parfois stérilement. Que vont se dire par exemple les artisans-éditeurs Domeau & Pérès, fervents défricheurs du design, et Philippe Parent, détracteur d'un domaine «stérile depuis vingt ans» ? Les acteurs de ce projet collectif, alliance de carpes et de lapins de luxe, se mettent au pied du mur d'utiles redéfinitions : économiques et esthétiques.

    Par Anne-Marie FEVRE
    Libération.fr vendredi 11 février 2005

     http://www.liberation.fr/page.php?Article=274865

    Design : Philippe Parent, architecte d'intérieur


    «Le design arrive à sa fin»


    Philippe Parent Studio, 45, rue de Bourgogne, 75 007. tél:01 45 51 15 85.

    La faconde provocatrice de Philippe Parent (56 ans) est inversement proportionnelle à la force cosy-tranquille de sa galerie, rue de Bourgogne. Sa commode Rondin (1999), en chêne, éclaire bien la démarche de cet ensemblier et architecte d'intérieur: s'appuyer sur les métiers d'art pour créer un meuble à la ligne inédite, intemporelle. Mais son excitation de l'heure, ce n'est pas de vanter ses pièces. Il a plus à coeur d'expliquer son engagement pour la haute facture, regroupement qu'il attendait depuis longtemps. Il y voit «une salutaire réaction à la chapelle design créée par les médias depuis vingt ans, aux dépens des arts décoratifs. Le design de meuble et d'objets arrive à sa fin, il n'est plus que copie. Les designers d'aujourd'hui ne créent que des prototypes, ce sont des peintres du dimanche. Le design ne vise aucun confort, ne s'intéresse pas aux consommateurs. Impossible de rester assis ou allongé sur la Video Lounge de Christophe Pillet. C'est une chaise à regarder!».

    C'est sans langue de bois. Seul le design industriel intégré dans l'entreprise garde un sens pour lui. Cet ancien élève de l'école Boulle, enseignant par ailleurs au Strate College, s'amuse. Il connaît bien le design, l'a apprécié et défendu dans sa jeunesse. «Le design a eu le mérite d'inventer des produits à prix abordable pour le plus grand nombre. Mais personne n'a égalé la chaise longue des Eames de 1956! Ni la Panton! Il y a vingt ans, je n'ai plus supporté, je me suis mis à détester les lampes Artémide, et toutes les épures issues du Bauhaus.» Parent a fait son retour à la tradition. Pour défendre «tous les conforts, celui de l'oeil, du corps et du toucher, et créer des luminaires doux qui n'agressent pas». Quant aux nouveaux rituels de vie, il n'y croit pas. Deux seules choses ont changé à ses yeux: la télévision, qui a modifié le rôle du salon et entraîné le canapé-vautrage, et la cuisine qui redevient la pièce à vivre. Parent a une vision cadrée, arrêtée, un peu notable. Même si un léger doute le parcourt lorsqu'il s'agit de définir le «contemporain» qu'il met en oeuvre.

    Par Anne-Marie FEVRE
    Liberation, vendredi 11 février 2005
      http://www.liberation.fr/page.php?Article=274867

    Design : Domeau & PErès, fabricants-éditeurs«Défendre l'innovation, bousculer la tradition»



    Domeau & Pérès, 21, rue Voltaire,
    La Garenne-Colombes (92).
    L'exposition : «10 ans de design par 12 créateurs français. 1994-2004.» Centre des arts d'Enghien-les-Bains (95), jusqu'au 3 avril. 01 30 10 85 59.
    Le livre : Domeau et Pérès/Design.
    Dix années de création, édition Bernard Chauveau, 39 €.

    En 1994, deux jeunes artisans travaillent dans la même entreprise de mobilier. Bruno Domeau (né en 1962) est sellier, Philippe Pérès (né en 1970) est tapissier et a été sept ans compagnon. Du savoir-faire, ils en regorgent. «Mais, affirment-ils, on ne se retrouve plus dans le mobilier de style, dans la reproduction du passé.» Alors, ils frappent aux portes des designers, leur proposant «une collaboration sur mesure» pour inventer ensemble des pièces nouvelles. Le premier à leur répondre, c'est Christophe Pillet, pas encore très en vue à l'époque puisqu'il sort tout juste de chez Starck. Ils se font la main ensemble dans un bar musical parisien, un hôtel particulier à Boulogne, tandis que le duo travaille à la diable dans le salon de Bruno. En 1996, ces apprentis «fabricants-éditeurs» s'installent dans un garage de 40 m2, à La Garenne-Colombes. En 1997, ils débutent au Salon du meuble où ils apparaissent comme des ovnis très remarqués. Leur première pièce emblématique, qui reste leur mascotte, c'est la Video Lounge de Pillet, chauffeuse et repose-pieds, version laine ou poulain et pieds inox. Une sculpture de luxe, mais éditée, reproductible. A un prix de marché. «Ce sont d'incroyables artisans que je découvre alors, explique Pillet, capables de toutes les performances techniques. Avec eux, je dessine, ils fabriquent, mais c'est comme si nous étions une même tête guidant de mêmes mains. Avant eux, on avait failli oublier que la haute facture pouvait servir la création contemporaine et l'innovation.»

    Les Domeau & Pérès fêtent aujourd'hui leurs dix ans de création et d'édition de design. Avec un ouvrage intime et collectif où se raconte leur petite saga. Et une exposition lumineuse au Centre des arts d'Enghien-les-Bains, regroupant une partie de leur collection, riche de 40 propositions diversifiées, émanant de douze créateurs, pas des moindres en France. D'Andrée Putman aux Bouroullec. A l'actif du tandem, des «affinités électives» avant tout, des histoires humaines qui se tissent avec Matali Crasset lorsqu'ils essaient de venir à bout de son lit d'appoint Quand Jim monte à Paris, pour le mener à la perfection. Ils sortent du cuir, de la mousse, des tissus, pour explorer d'autres matériaux, le Corian très tôt pour les Bouroullec ou la résine pour Jérôme Olivet et son siège Hyperespace. Ils travaillent aussi, là en duo, pour l'aménagement luxueux de concept cars ou de petits avions. Ils occupent aujourd'hui de plus grands locaux, toujours à La Garenne-Colombes, où niche leur petite société de huit personnes, côté atelier et côté showroom. Leur passion, ils l'expriment encore comme des gamins en caressant la dernière chaise longue Enghien, que Christophe Pillet vient de concevoir en l'honneur de la ville balnéaire. Ou face au dernier siège en cuir de Martin Szekely, Domo. «Il a l'air sévère, dur, mais il faut s'asseoir, s'amusent-ils, il est très confortable.» Ce siège, «du non-design», n'a pas l'image du confort mais il l'apporte par son usage. Domeau & Pérès entendent «défendre l'innovation, de nouveaux usages, bousculant la tradition». Pour eux, la haute facture, c'est une sorte de «petite réunion à l'italienne, de ces grandes maisons comme Edra, Moroso, B & B qui savent faire masse lors du salon de Milan». En tout cas, ils ont les moyens d'en être les fers de lance.

    Par Anne-Marie FEVRE
    Liberation, fr vendredi 11 février 2005

     http://www.liberation.fr/page.php?Article=274868

    Design : Xavier Dohr, designer

    pix

    «Des objets parfaitement finis»

    Xavier Dohr Studio, 25, rue de la Grange-aux-Belles, 75011.
    01 42 01 70 00.

    Senteurs, sons, quadrille de fauteuils, canapés et poufs et petit jardin intérieur. Couleurs aux dominantes marron, cuivre, gris, blanc. Xavier Dohr, 39 ans, a créé un salon très habité plutôt qu'un show room commercial. Qui doit ressembler aux nombreux intérieurs que conçoit ce designer. «Le design, ce n'est pas un style, c'est mixer la technique et la tradition. Un designer donne une réponse esthétique et technique à une problématique posée. J'enlève la déco. Je gomme, je crée des vides, des arêtes légères.» Son long et cossu canapé Nembe perd ainsi de sa massivité, grâce à cette écriture, récurrente dans les pièces de Dohr.

    Le label haute facture des créations de Xavier Dohr s'exprime à travers «des objets dessinés, bien produits, parfaitement finis». Et les matériaux qu'il choisit. Ses bois rares (zébrano veiné d'Afrique, tinéo orangé du Chili, tulipier crème, chêne des marais) ne sont pas teints mais oxydés, à l'ancienne. Ses sièges sont recouverts de jersey, poils d'animal, fibres végétales ou synthétiques. Si ces matériaux ne tirent pas vers le passé, c'est qu'ils sont mis en relation avec de l'acier époxy, de l'inox, ce qui leur donne un sursaut contemporain. Le tabouret Kurdy est recouvert d'un patchwork de quatre peaux différentes. Le luxe n'est pas ostentatoire, couleurs et jeux de matières s'équilibrent, se neutralisent. Le savoir-faire des artisans auquel le créateur fait appel s'exprime par exemple à travers le cuir du tabouret Sukki, qui est traité avec toutes les finitions couture d'un bagage. Quelquefois crie le rouge, la couleur du fauteuil Touma, en peau de cheval, lumineux sursaut.

    Xavier Dohr travaille seul, avec disponibilité, car «le client aime qu'on lui raconte l'histoire d'une pièce». Il gère seul aussi ses relations avec de nombreux ateliers. Dans sa collection, il peut y avoir six ans d'écart entre deux canapés : cet ancien élève de l'Ecole supérieure d'arts appliqués et textile de Roubaix, venu de la passementerie qu'il pratique toujours, ne court pas après les tendances. Il a inventé la sienne : la volupté monacale mordorée. Curieusement, son chien à poil blanc, si calme, est en complet écho avec le cadre discrètement sensuel qu'il sait mettre en scène.

    Par Anne-Marie FEVRE
    pix
    vendredi 11 février 2005 (Liberation - 06:00)
    http://www.liberation.fr/page.php?Article=274866#


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