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    Etes-vous un NEO-BEAUF?

    Ringard, plouc, blaireau, râleur, le héros de Cabu, né après 1968, agonise. Qui sont ses héritiers ? Comment les reconnaître ? Cruel dilemme. Isabelle Curtet-Poulner est partie à leur recherche. Conclusion : le beauf 2007 avance masqué

    Marcel élimé, béret trop grand, allure ventripotente. Ci-gît le beauf, figure du mauvais goût, l'enfant de Cabu. Rappelez-vous. C'était en 1974. Il y a une éternité. Le bon vieux temps de l'icône franchouillarde, du blaireau aux plaisanteries grivoises et racistes. A l'époque; tout était facile. Le héros de la BD culte de «Charlie hebdo» promenait son chien en savates, en grognant contre ces salauds de jeunes. Trente ans déjà. Il était détectable à l'oeil nu. Tellement visible.

    Aujourd'hui, notre beauf est devenu malin. Il avance masqué. Des bataillons de sociologues perplexes se posent de douloureuses questions. Qui sont ses héritiers? S'est-il reproduit? Où sont les petits Bidochon postmodernes qui auraient troqué les pantoufles de papy contre des tongs brésiliennes? Vivons-nous un baby-boom de néo-beaufs?

    En 2007, l'enquête sur la beauf attitude relève presque du jeu de piste. Cabu lui-même a bien du mal à retrouver ses petits. Dans «Etre ou ne pas être beauf» (Editions du Layeur), il traque vainement le descendant du beauf. Il récidive pour nous dans «le Nouvel Observateur» (voir dessin ci-contre): son héros; dans une cabine d'essayage, hésite à choisir son nouveau look. Poor lonesome beauf.

    Entre un costume-cravate ordinaire; un débardeur de basketteur, un blouson de play-boy top ringard et un chemisier de chaisière, il ne sait plus où il en est. «Pour le croquer, déplore Cabu, les repères graphiques manquent, Aujourd'hui, les tribus ont les mêmes attributs. Riches, pauvres: tant le monde est en jean.

    Il y a une banalisation des accessoires qui, autrefois, différenciaient les classes sociales.» Constat évident: dans les années 1970, le beauf était l'ennemi de Dany le Rouge, le gaulliste du dimanche joueur de tiercé. Pour lui, pas de pavés sous la plage. Une cible pour gauchistes des beaux quartiers. «Après Mai-68, il était une icône à abattre, confirme Audrey Zucchi, publicitaire chez Euro RSCG. Trop réac pour participer à l'interdiction d'interdire.» <script type=text/javascript>OAS_AD('Middle1');</script>

     


    Au fond, le beauf en ce temps-là, était une caricature. «On a toujours surnagé an milieu de beaufs, explique le réalisateur Jean-Pierre Mocky, des roturiers de Louis XIV aux autodidactes d'extraction modeste, qui jouent aux grands dès qu'ils ont une petite situation. Le beauf, c'est l'imbécile intégral inventé par Molière. Il est toujours le même: un cou, en fait. Mais il y a peut-être de nouveaux cons....»

    Leurs bataillons forment la cible du premier roman de Carl Aderhold, à paraître en août « Mort aux cons» (Hachette Littérature). Un récit loufoque dans lequel le héros assassine les «cons». Pour l'écrivain, la mutation du beauf a bel et bien commencé. Il faut surveiller cette métamorphose à la loupe: «Le néo-beauf, dit-il, ne se limite plus au type qui se balade chez Conforama le dimanche.» Selon l'écrivain, le néo-beauf est protéiforme. Il est partout et nulle part.

    Parmi ses multiples avatars, il cite la catégorie du «golden beauf», costume rayé, cravate pastel irisée à gros noeud et souliers carrés aux semelles inusables. L'homme, hyperbranché, voue un culte à la communication «proactive», sur le mode compassionnel. Sa phrase fétiche: «Tu veux qu'on en parle?»

    Son obsession: la consommation à outrance. Pour l'écrivain David Abiker «Le Mur des lamentations» (Michalon)., le beauf moderne est «le cadre sup qui en veut pour son pognon, fait des scandales et juge la société à l'aune de son service consommateurs». Aujourd'hui, le râleur se plaint du «service à la française», répète à longueur de temps que «les Américains, eux, savent recevoir le client». Autre catégorie émergente, selon le sociologue Patrice Duchemin, celle du beauf tendance bobo: «En se structurant, la population bobo a vu apparaître des bobeaufs. Là où le premier défend des valeurs, le second copie sans comprendre.»

    Soucieux de l'environnement, le bobo a opté pour le vélo. Son succédané, lui, force le trait: il porte des tongs en ville, des pantacourts zippés avec un lien à hauteur du mollet et des lunettes façon quatrième dimension, retenues par un cordon. «Le bobeauf mange bio, s'inquiète du réchauffement de la planète, souligne Carl Aderhold. Il a intégré une association de défense des petits oiseaux. Parallèlement, il n'a aucune espèce d'humanité pour les SDF. Au contraire, il est prêt à signer toutes les pétitions pour virer ceux qui campent en bas de chez. lui. C'est un beauf liant de gamme. Il joue au libertaire, mais vit avec son chien-chien et son chat-chat.» <script type=text/javascript>OAS_AD('Middle3');</script>

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    Terrible bouleversement, le beauf est partout. Même dans les magasins high-tech. On le repère à sa dégaine. Il a son portable au ceinturon, une oreillette bluetooth et un micro intégré. Chez lui, sourd aux doléances de sa compagne, il n'est qu'une excroissance greffée à son PC.

    C'est un «e-beauf», un techno-addict. «Sa conversation peut durer des fleures sur l'ultime modèle de téléphone avec un forfait pour San Francisco, alors qu'il n'y connaît personne, ironise Carl Aderhold. Il a un portable multifonction, un ordinateur de poche.» Il est une variante du geek anglo-saxon, obsessionnel du Net capable de s'immerger des heures dans sa bulle virtuelle. «Il ne rencontre personne sans Meetic, ajoute Audrey Zucchi.

    Mais ses contacts sont si nombreux, qu'il faut un tableur Excel pour s'y retrouver.» Ces excès comportementaux. Philippe Herriau, directeur de la Fnac Digitale, en dresse une typologie truffée d'anglicismes. « Mac fan, gamer, nomad addict.» Parfois, l'e-beauf convoite le smart-phone 3 G, le Wlan ultraplat mégapixel compact à écran tactile, et surtout le Nabaztag. Un ordinateur en forme de lapin aux oreilles mobiles. Les vrais e-beaufs vont jusqu'à le customiser.

    La palme de la «beaufitude» revient aux automobilistes friands de technologie embarquée. A l'avant, le GPS a remplacé l'«arbre magique» odorant. Ce nouveau copilote fait office de mouchard: ses vocalises signalent les radars fixes. Généralement, l'«auto-beauf» enregistre sa propre voix sur son GPS, et ajoute généralement une bonne blague, ouaf, ouaf.

    Son site de prédilection: GpsPasSion, où il échange des informations «de première bourre» sur les zones à risques. Une survivance de la Cibi. L'autobeauf aime échapper aux contrôles policiers, surtout en vacances. Là, il rencontre le «beauf tradi», incarné par Franck Dubosc, dans «Camping», de Fabien Ontonienete.

    Aujourd'hui, le vacancier en débardeur est supplanté par une nouveau spécimen: l'amateur de séjours «passion», vendus clés en main. Cet homme-là ne voyage pas: il collectionne les destinations. Il «fait» Rome, l'Egypte, le Mexique, le Népal, Bali, Bora Bora, les Galapagos, la route de l'encens au Yémen, mais, au fond, ne voit jamais rien. Il est trop occupé à filmer, du lever au coucher. Il a une caméra-prothèse.

    Son seul souci: réussir sa soirée diapo prévue à son retour. Le «beauf-trotter» accumule les images. Il ne voyage pas, il se déplace. Il est là pour la frime. Il n'est même plus ridicule. Plus personne ne se moque de lui. Son ancêtre, lui, suscitait railleries et sarcasmes.

    «Le beauf a toujours attiré l'opprobre social
    , prévient le sociologue Jean-François Amadieu «Le Poids des apparences» (Odile Jacob). Au cinéma, dans la BD, il reste le lourd mal dégrossi. Le contraire de la bourgeoisie et de l'élite intellectuelle. Il a peut-être change dans la forme, mais, sur le fond, il attire toujours le même mépris de classe.» Alors, pourquoi est-il désormais presque intégré dans le paysage? «Des Simpson aux Deschiens, les références culturelles du beauf sont désormais attachantes», affirme Thomas Jamet, directeur de ReLoad Publicis Groupe Média.

    Il aurait ainsi gagné ses lettres de noblesse, à titre posthume. Au point de remiser au placard son habit de plouc patenté. «Si «Camping» a marché, c'est que personne ne se reconnaît dans le modèle», note aussi Audrey Zucchi. Finalement, le beauf ne fait plus peur à personne. Il est même starisé.


    L'ancien Gaulois moustachu et raciste des années 1970, oscillant entre PCF tendance «produisons français» et Front national, a été remplacé par le Sarko-beauf: «Il a fait sien le message de Sarko, décrypte Carl Aderhold.

    Les Français font trop de grèves, ne bossent pas assez, les étrangers doivent être renvoyés chez eux: un vrai langage de beauf, qui habille de neuf de vieilles idées un peu nauséabondes.» Résultat: le beauf n'a plus honte d'être beauf. Au contraire, il le revendique. «Il s'autorise à dire ce qui aurait choqué hier, comme s'il sortait de dix ans d'occupation soviétique», note l'écrivain David Abiker.

    La preuve? Mireille Mathieu, Enrico, Clavier et Bigard ont formé la brochette people de la fête du 6 mai, place de la Concorde, pour célébrer la victoire de Nicolas Sarkozy.

    Tout un symbole. «Du beauf à l'ancienne avec une touche de modernité», précise Carl Aderhold. Si le beauf est banalisé, c'est tout simplement parce qu'il est partout. Sur toutes les chaînes de télévision, sur toutes les scènes. Il triomphe sans complexe. Il est invité au journal de 20 heures des grandes chaînes.

    Il a enfin pris sa revanche sur les intellectuels soixante-huitards, brutalement ringardisés par la dictature de l'émotion. Son idéologie? Le rire néandertalien. Sa méthode? La Grosse Bertha. La figure de proue de ce mouvement? Cauet, animateur de TF1, mais aussi la fine équipe de Groland, dans un style plus second degré... Ou encore Jean-Marie Bigard, l'ami irrésistible de drôlerie du président de la République. «Des types rivés à leur oreillette, lâche David Abiker, formatés pour la télévision. Ils racontent des histoires d'une grossièreté achevée, sans propos sociétal, sans culture.» Des anti-Coluche, en quelque sorte.

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    Isabelle Curtet-Poulner
    Le Nouvel Observateur,12 Juillet 2007

     

     

     

     


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  • Les nouveaux mâles se cherchent

    Bijoux, produits de beauté... Ils n'ont jamais autant pris soin de leur corps et de leur look. C'est le triomphe du «métrosexuel», cet urbain branché qui s'approprie une part de féminité.


    Les «métrosexuels» sont parmi nous. Impossible de regarder une publicité, d'ouvrir un magazine, voire de suivre un match de foot à la télé sans tomber nez à nez avec cette créature. Les métrosexuels sont les cousins des bobos, cette tribu qui occupe le devant de la scène depuis deux ou trois ans, empruntant à la fois aux bourgeois et aux bohèmes. Le métrosexuel, lui, est un mélange de dandy et de gay mâtiné d'une pointe de «mac». Il se pomponne, redécouvre l'art du rasage, se met des crèmes sur le visage, se fait un regard de braise grâce à quelque khôl spécialement concocté pour lui et peut parfois se mettre un peu de vernis sur les ongles. Un sarong fuchsia ou une veste mauve des couturiers italiens Dolce & Gabbana ne l'intimident pas le moins du monde, au contraire. Mais - tout est dans ce détail - il n'est pas homosexuel. Sophistiqué, attentif à lui-même et aux autres, le métrosexuel «n'a pas peur de soigner sa personne et d'apprécier les choses raffinées», explique le site Internet BeMetro.com, feuille de route du nouveau mâle.
    Icônes de cette tendance: les footballeurs David Beckham ou Djibril Cissé, le rugbyman Frédéric Michalak, les membres du groupe Kyo, révélation de l'année aux dernières Victoires de la musique, Edouard Baer ou, mieux, Ariel Wizman. Même les rappeurs, qui prônent souvent des valeurs très machos, voire homophobes, s'y mettent: gros bijoux et pantalons satinés, coupes de cheveux travaillées, corps sculpté... «Ces hommes deviennent des objets, explique Christine de Panafieu, fondatrice de Cosight, un cabinet de conseil. Chez eux, le muscle n'est pas seulement un attribut fonctionnel. Il a une valeur esthétique, comme les seins chez la femme.»


    Le rôle de l'élévation du niveau de vie Frédéric Loeb, conseiller en innovation, résume: «Aujourd'hui, les épaules du métrosexuel sont l'équivalent du décolleté chez la femme.» Le néologisme est né en 1994, sous la plume de l'écrivain britannique Mark Simpson, qui ironisait sur les effets du consumérisme et des nouveaux magazines pour hommes. Mais le mot fait le tour de la planète quand il est repris, en juin 2003, par Marian Salzman, chief strategy officer à l'agence de publicité Euro RSCG Worldwide, à New York. Il désigne un trentenaire urbain (d'où «métro», pour métropolitain), branché, prenant grand soin de son corps et de tout son être. Depuis, on a vu fleurir un tas d'autres termes: hétéroflexibles, pomosexuels (comprendre «postmodernes sexuels»), voire hétérofolles. Le phénomène ne devrait pas longtemps rester urbain: TF 1 s'apprête en effet à adapter l'émission de téléréalité américaine Queer Eye For a Straight Guy, dans laquelle un groupe d'homosexuels prend en main un hétéro et se charge de le transformer en métrosexuel, le relookant et modifiant jusqu'à son appartement. L'apparition de cette tendance tient pour une grande part à l'élévation du niveau de vie, même si l'on peut dire qu'au XVIIIe siècle des aristocrates poudrés et enrubannés ont été des métrosexuels précurseurs. «Après la Seconde Guerre mondiale, explique l'historien André Rauch, qui publiera en octobre prochain L'Identité masculine ou la revanche des femmes au XXe siècle (Hachette), la bourgeoisie a pris l'habitude de se soigner, d'aller plus souvent chez le coiffeur. Cela restait limité aux classes aisées. Aujourd'hui, la consommation est soutenue par une vaste gamme de produits.» Désormais, 80% des gens ont les moyens de s'offrir ce luxe. Et ils ne s'en privent pas. Les mâles ont dépensé 50 millions d'euros en produits de beauté en 2002.


    Certains bouleversements sociaux ont aussi préparé l'avènement de cet homme nouveau. «Dans notre société, il y a une survalorisation du plaisir, affirme André Rauch. Nos grands-parents pensaient qu'il y avait une vie après la mort. Aujourd'hui, cette idée est relativement absente.» S'il n'y a pas d'au-delà, autant avoir du plaisir ici-bas. Le métrosexuel est aussi l'un des symboles visibles de la disparition de la figure emblématique du père et de la fameuse crise de l'identité masculine. «Les métrosexuels sont la partie émergée de l'iceberg,», note Valérie Colin-Simard, dont l'ouvrage Nos hommes à nu (Plon) est consacré au décryptage des bouleversements du (de l'ex-?) sexe fort. Quand on n'a plus besoin de lui pour représenter l'autorité, le père peut s'épiler ou porter des bijoux. Surtout qu'il n'est plus le chef de famille. Au sein du couple, les rôles se sont équilibrés, les femmes se sont approprié ce qui, pendant des générations, relevait du rôle traditionnel de l'homme: elles travaillent, sont chefs d'entreprise, gagnent parfois plus que leur conjoint (pour 5% d'entre elles), décident quand elles veulent des enfants. Bref, dans les pays occidentaux, elles peuvent vivre sans les hommes. Alors, ceux-ci s'approprient cette part de féminité qu'elles ont laissé tomber. «Il y a en ce moment une sorte de recomposition, affirme la sociologue Christine Castelain-Meunier [La Place des hommes et les métamorphoses de la famille, PUF]. Les hommes sont en train de se remettre du coup de grisou engendré par le féminisme et de se réapproprier leur identité.»


    Le métrosexuel est aussi le fils d'une société plus infantile, «adolescentrique». «Le modèle n'est plus l'adulte, mais, l'adolescent, explique Frédéric Loeb. Il n'y a qu'à regarder l'humour actuel ou l'engouement pour le foot, un truc de gosse.» La faute, selon le psychanalyste Tony Anatrella, à la génération de 68. Ce sont des adolescents qui ont élevé des enfants. Résultat, explique-t-il, à 30 ans, ce sont toujours des ados.


    Le métrosexuel annonce un changement plus profond encore qui touche les hommes et les femmes. «On est au début de ce que les Américains appellent la gender flexibility (l'élasticité des genres), explique Christine de Panafieu. Jusqu'à aujourd'hui, chacun de nous était défini par son âge et son sexe. C'est ce qui structurait notre vie. Désormais, l'être humain se perçoit comme un mutant: il reste jeune plus longtemps et, grâce à la science, il modifie son corps.» Le genre devient donc accessoire. Ce qui compte, c'est le comportement. Dans ses études, Frédéric Loeb affirme avoir décelé non plus 2 sexes différents, mais 11!


    Pourtant, la réaction s'organise et cette mutation pourrait n'être qu'un effet de mode. Déjà les nouveaux rebelles arrivent. «Leur modèle est le rappeur Eminem, affirme le publicitaire Nicolas Riou, auteur de Pub Fiction [éd. d'Organisation]. Eux surajoutent les signes extérieurs de virilité, ils sont agressifs avec les femmes.» Il faudra encore un peu de temps avant que l'homme soit une femme comme les autres.


    Inquiets de leur virilité

    par Julien Bordier

    Enlarge your penis! Que l'internaute qui n'a jamais reçu de spam vantant une boîte de pilules miraculeuses lève la main! De nombreux sites Web - Penisexpert.com, Grand-penis.com, Quelpenis.com et Gros-penis.com pour les leaders - promettent monts et merveilles anatomiques, recevant jusqu'à 2 000 visiteurs par jour. La méthode, «héritée des tribus africaines» et dite «de stretching sexuel», vous coûtera entre 30 et 70 euros. Une affaire. Si ce n'est pas un marché, ça y ressemble.

    On dirait que les hommes, en 2004, sont toujours obnubilés par la taille de leur service trois pièces. «Ces préoccupations sont dues à un manque de confiance en soi, explique le psychiatre-sexologue Jean-Roger Dintrans, chargé de cours à Paris V et à Paris VII. Le pénis n'est que le point de cristallisation d'une angoisse sous-jacente.» Les calibres du cinéma porno ne sont pas les seuls responsables de ce complexe. Le Dr Ronald Virag, dans Histoires de pénis (Albin Michel), rapporte le cas de ce divorcé de 39 ans démoli par la réflexion de sa nouvelle partenaire: «C'est tout ce que tu as à me montrer!»

    «Tant qu'on n'enseignera pas à l'école que la longueur de la verge n'a aucun rapport avec la virilité, beaucoup continueront à se demander avec inquiétude s'ils sont normaux», souligne Florence Montreynaud, historienne et philologue, dans Appeler une chatte... Mots et plaisirs du sexe (Calmann-Lévy). Ainsi, «33% des hommes seraient prêts à bénéficier d'une augmentation du sexe,» note le Dr Sylvie Abraham, chirurgienne plasticienne à Paris, dans son livre La Chirurgie esthétique au masculin (Mazarine). Cela n'a pas toujours été le cas.

    «Pour les Grecs anciens, la beauté idéale de l'homme viril se résumait à l'association d'un petit pénis et de fesses musclées. [...] volumineux [...] (il) était synonyme de débauche et de sodomie passive», racontent Marc Bonnard, psychiatre, et Michel Schouman, urologue-andrologue, dans Histoires du pénis (Le Rocher). Chez les Desana-Tukano, Indiens de Colombie, pour avoir un statut social élevé, mieux vaut posséder un pénis de la taille d'un colibri.

    Les cas pathologiques de micropénis étant extrêmement rares, ces hommes en quête d'identité souffriraient plutôt de dysmorphophobie: la conviction profonde, jusqu'à l'angoisse et à la souffrance, que tout le corps, ou une partie, est anormal - en l'occurrence trop petit. Certains vont jusqu'à passer sur le billard pour se faire allonger ou épaissir le pénis. Comptez entre 2 000 et 5 000 euros. Mais qui est prêt à subir ce genre de tortures pour recouvrer sa confiance de mâle? «Des hommes de tous les horizons professionnels, entre 20 et 40 ans, répond Sylvie Abraham. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ils ont tous eu des expériences sexuelles satisfaisantes.»

    Si vous préférez rester chez vous, la palette des solutions, fantaisistes ou sérieuses, est pléthorique: pilules, extenseurs, patchs, pommades, vacuum, manipulations physiques... Avis aux amateurs.

    par Jean-Sébastien Stehli, Natacha Czerwinski

    L'Express du 08/03/2004
    http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/homme/dossier.asp


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