• L'état d'urgence permanent



    L'essayiste et urbaniste, Paul Virilio  publie «Ville panique» et parle de l'imposture de la «guerre préventive», du chaos urbain et des nouveaux visages du terrorisme

    La nouvelle guerre d'Irak nous oblige à changer notre façon de regarder la guerre. La guerre du Golfe est un conflit encore classique. Il y a bien sûr le pool CNN-Pentagone qui se met en place, le contrôle de l'information par les militaires, mais ce sont des missiles à l'ancienne qu'on déverse sur l'Irak. La vraie rupture aujourd'hui est flagrante: la guerre d'Irak est une guerre truquée de A à Z. Le traitement de l'information a été totalement théâtral: escamotage à vue de la Garde républicaine par exemple. Nous avons assisté à la naissance de l'infowar, de la guerre de l'information considérée comme une guerre au réel, une déréalisation tous azimuts où l'arme de communication massive est stratégiquement supérieure à l'arme de destruction massive.

    A l'instar de la matière, la guerre aujourd'hui possède trois dimensions: la masse, l'énergie et l'information. Il y a bien trois formes historiques de la guerre: la guerre de masse - les bataillons et les chars -, la guerre de l'énergie - de la poudre à l'arme atomique - et la guerre de l'information. On vient d'entrer ainsi dans la troisième dimension. L'infowar dépasse complètement les techniques de propagande. On est aujourd'hui dans le truquage, la déréalisation de l'événement guerrier. Les fameux bunkers de Saddam Hussein se sont réduits à un seul trou, où on l'a capturé. Les tunnels à la James Bond de Ben Laden en Afghanistan n'étaient en fait que des grottes. On ne sait jamais rien dans cette guerre. On est soudain devant une accélération de la réalité même, une forme panique de la perception des événements qui détruisent notre sens de l'orientation, autrement dit notre vision du monde.
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    La guerre préventive de George W. Bush est un acte panique du Pentagone. Ce dernier agit contre le terrorisme de masse comme la cavalerie polonaise chargeant à la lance les chars allemands. Les super-porte-avions déployés dans le golfe Persique ne servent à rien dans un tel conflit. La guerre préventive est en fait une guerre perdue d'avance. Attaquer préventivement prouve qu'on n'est pas sûr de soi. C'est comme une preuve de faiblesse. L'Amérique en son hyperpuissance est en fait impuissante par rapport à la nouveauté de l'événement stratégique. La métrostratégie a remplacé la géostratégie. Le lieu de la guerre moderne est devenu progressivement la cité: c'est le bombardement des grandes villes. C'est dans les mégapoles que s'est concentrée la richesse, mais aussi la fragilité, du progrès. La métropolitique de la terreur se substitue à la géopolitique de la grandeur.
    Avec le terrorisme de masse on perd tout: on perd la déclaration de guerre et la définition de l'ennemi. Comment gagner une guerre dont on ne connaît pas l'ennemi? Aujourd'hui les attentats sont anonymes, non revendiqués et suicidaires. Les terroristes en dépit de leur combat religieux ne revendiquent rien, sauf la fin, y compris la leur. Il ne faut pas croire à l'apocalypse ni à la fin de l'Histoire, mais à la fin de la géographie. Le grand accident du xxesiècle c'est la compression spatiale et temporelle; c'est l'unité de temps et de lieu dans un espace restreint: la ville. On est dans une situation de clôture du champ. Il faut rappeler qu'il n'y a pas de guerre sans champ d'opérations. Le champ a disparu. La guerre géostratégique avec ses manœuvres machiavéliques ne se résume plus qu'à des coups de force, des putschs. Les terroristes sont des putschistes. Ils font un coup et se retirent. On est entré dans l'ère de l'inouï. Faire l'événement, qu'on le veuille ou non, c'est désormais provoquer un accident.

    Nous avons connu trois horizons d'attente dans la période moderne. La révolution et la grande guerre sont les deux horizons aujourd'hui dépassés. En revanche, la perspective de l'accident écolo-eschatologique, dont les pannes d'électricité dans les villes et les épidémies, est constante. Les politiques ne sont pas préparés à faire face aux grands accidents. Les terroristes le savent et en jouent car ils se revendiquent comme maîtres de l'accident. On va ainsi irrésistiblement vers la globalisation du chaos. Le monde est trop petit pour le progrès. La mondialisation est notre ultime clôture. Les pensées politiques ne sont pas prêtes à limiter le progrès tant elles sont obsédées par l'expansion du bonheur et des biens. Elles refusent de faire face à la forclusion. Il y a eu deux personnages de notre histoire anthropologique. Le prédateur sous toutes ses formes, dont le capitalisme est sans doute l'expression la plus intelligente, et le producteur. Un troisième personnage est en train d'apparaître: l'exterminateur. Le terroriste kamikaze appartient à ce troisième type. Avec le terrorisme nous sommes entrés dans l'ère de la guerre sans fin, aux deux sens du mot. Ainsi désormais, sans distance et sans délai, l'état d'urgence se généralise. Nous ne pouvons plus attendre car l'absence de délais nous dépouille de la souveraineté que nous conférait, jadis, l'immensité des continents. Il nous faut être en état d'alerte permanente pour un accident toujours possible, toujours annoncé et toujours reporté. Nous sommes entrés dans une situation qui est sans référence historique. C'est une situation hystérique. D'où l'émergence du mot panique. Le ministère de la Peur remplace peu à peu le ministère de la Guerre et de la Défense. Le plus fort sera, s'il veut justifier son autorité, celui qui fera le plus peur.
    Aujourd'hui ce qui personnellement me fait le plus peur c'est notre manque de réactions face à ce nouvel inouï. Il faut apprendre à penser l'impensable. Les penseurs que j'estime et aime, par crainte d'être accusés de pessimistes ou de réactionnaires, refusent de regarder la méduse en face. Le malheur, pourrait-on dire en détournant Saint-Just, est une idée neuve dans le monde.

    Le grand échec de l'humanité, la vraie catastrophe, l'accident intégral, c'est la ville. Le chaos urbain. Tout se joue maintenant dans la concentration métropolitaine. Ce n'est plus simplement la guerre qui se déplace de la campagne à la ville, c'est la gestion de l'économie qui se fait en temps réel. Le temps réel n'a plus besoin d'espace réel. Il suffit d'un écran et d'un branchement. L'interactivité est à l'information ce que la radioactivité est à l'énergie. Quand on nous parle de décentralisation ou d'élargissement de l'Europe, j'ai envie de répondre : Quand est-ce qu'on parlera de chronopolitique, de la politique de l'instantanéité, de l'ubiquité et de l'immédiateté ? Cette politique qui joue sur l'accélération de la réalité.
    Personne n'est capable de concevoir la ville du futur parce qu'on est entré dans le système du sixième continent : le continent virtuel. L'avenir de la ville c'est sans doute des bidonvilles et des tours. Habiter dans des tours c'est se rendre inaccessible. On va assister à une reféodalisation de la ville, au sens où le château fort était l'architecture du tyran. Les villes seront des donjons dominant des bidonvilles. Le grand danger contemporain c'est que le sentiment d'angoisse est en train de modifier de l'intérieur la démocratie. La démocratie était liée à la standardisation de l'opinion. De ce point de vue, elle est fille de la révolution industrielle, c'est-à-dire la reproduction à l'identique de produits mais aussi d'opinions. Aujourd'hui nous vivons live la synchronisation des émotions. Et les émotions sont adémocratiques, avec un a privatif. La synchronisation des émotions c'est la porte
    ouverte à un mysticisme panique et hystérique dont les guerres de religion actuelles sont les mauvais signes. Mon espérance est pourtant
    intacte. Je choisis l'espérance contre toute espérance.
    Quels sont les trois livres que je choisirais pour mon île ou ma ville déserte ? Sans hésiter, les Ecritures et la Bible. Tout Kafka, car il est pour moi le prophète laïque qui a le mieux éclairé le xxe siècle. Et quelques livres de Joseph Roth, cet écrivain autrichien mort à Paris en 1939. En particulier « la Marche de Radetzky », « le Poids de la grâce » et « la Fuite sans fin ». La fuite sans fin ? Quelle meilleure définition de notre monde ?

    Né en 1932 à Paris, Paul Virilio, urbaniste et essayiste, spécialiste des questions stratégiques concernant les nouvelles technologies, est professeur émérite à l'Ecole spéciale d'Architecture. Il a publié aux Ed. Galilée « Vitesse et politique », « l'Insécurité du territoire », « Stratégie de la déception ». « Ville panique. Ailleurs commence ici » vient de sortir chez le même éditeur.

     
     
    Le Nouvel Observateur, Semaine du jeudi 26 février 2004 - n°2051 - Réflexions


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  • Les galeries parisiennes se donnent quartier libre

    Réalisant l'essentiel de leur chiffre d'affaires à l'étranger, les marchands d'art ne cherchent plus à avoir pignon sur une rue commerçante ou près de leur public. Ils s'installent dans des arrondissements excentrés, et l'ouverture en 2007 de la Fondation Pinault pourrait les attirer à Boulogne-Billancourt.

    Les galeries d'art s'adaptent à la mondialisation du marché de l'art contemporain. Courant de foire internationale en biennale, les galeristes parisiens soignent leur image à Bâle, New York ou Miami, et s'intéressent moins à la hauteur sous plafond de leur espace d'exposition. Ne réalisent-ils pas l'essentiel de leur chiffre d'affaires à l'étranger ? Dès lors, l'emplacement géographique apparaît de moins en moins comme un enjeu stratégique alors que, historiquement, les galeries se sont forgées une identité selon leur lieu d'implantation - Saint-Germain-des-Prés, le Marais...

    Au XXIe siècle, le galeriste se pose au meilleur endroit du moment. Inutile de courir après la rue commerçante ou le public local. L'acheteur potentiel habite rarement au coin de la rue - la clientèle des galeristes vient plutôt de l'Ouest parisien.

    De récents déménagements attestent de cet éclatement. Plusieurs galeristes en vogue essaiment dans des endroits où l'on ne les attendait pas : Grégoire Maisonneuve s'est établi à Ménilmontant, rue des Amandiers (20e), et Jocelyn Wolff à Belleville, rue Rébeval (19e) depuis octobre 2003, loin des lieux de visite traditionnels des collectionneurs.

    D'autres s'installent dans le Marais alors qu'ils semblaient avoir trouvé leurs marques ailleurs : Emmanuel Perrotin vient d'ouvrir un nouvel espace, rue de Turenne, (Le Monde du 7 décembre 2004), quittant la rue Louise-Weiss (13e) dont il a contribué à forger l'image d'avant-garde. Chantal Crousel a revendu son local de la rue de Quincampoix (4e) au collectionneur Claude Berri et ouvrira dans le Marais à la mi-mai. Avec une annexe à Aubervilliers : 770 m2 pour regrouper ses réserves, et "créer un lieu d'exposition, ouvert sur rendez-vous, pour des pièces importantes qui nécessitent un montage complexe, comme des œuvres anciennes de Tony Cragg, ou des installations de Thomas Hirschhorn", résume-t-elle.

    Et il n'est pas exclu que la fondation d'art contemporain de François Pinault, qui doit ouvrir ses portes sur l'île Seguin, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), fin 2007, n'entraîne de nouvelles migrations... Là, les galeristes misent sur les étrangers que ne manquera pas d'attirer le nouveau temple.

    Almine Rech, galeriste cotée de la rue Chevaleret (13e), et l'une des pionnières de la rue Louise-Weiss, vit pleinement toutes ces évolutions. "Le phénomène date d'il y a quatre ou cinq ans. Aujourd'hui, la visibilité réelle d'une galerie se joue à l'étranger. On n'a aucun intérêt à avoir un bel espace si on n'est pas invité dans les cinq ou six foires qui comptent ! Pendant la saison, entre octobre et juin, on n'arrête pas d'aller d'un pays à l'autre", témoigne- t-elle.

    DES AVENTURES ISOLÉES

    Les collectionneurs sont en train de modifier, eux aussi, leurs habitudes, dit-elle : "Ce sont souvent des entrepreneurs, des hommes d'affaires : pour gagner du temps, ils se bloquent deux jours dans les foires, ce qui leur permet de faire le tour des 200 galeristes triés sur le volet." Et de leur éviter, pour certains, un détour dans les galeries. La tendance est déjà à l'œuvre en Europe, souligne Almine Rech : The Modern Institute- "l'une des galeries plus pointues"- est située dans un petit appartement à Glasgow ; Pierre Hubert, à Genève, a "un tout petit espace mais c'est l'un des plus importants". Etc.

    Les jeux sont ouverts. "A Paris, il y a de la place pour tout le monde. La Maison rouge - la fondation d'art contemporain d'Antoine de Galbert - pourrait attirer des galeristes autour de l'Arsenal, près de Bastille, de même que l'ouverture prochaine du 104 rue d'Aubervilliers - l'ancien bâtiment des Pompes funèbres municipales, dans le 19e - va changer le quartier et susciter des vocations", pronostique Christophe Girard, adjoint (Verts) à la culture au maire de Paris, Bertrand Delanoë (PS). Pour lui, l'arrivée de Perrotin, rue de Turenne, est "le signe que lorsque l'on devient un galeriste international, on cherche ses lettres de noblesse en allant dans le centre". Rien de plus.

    Encouragés par cette nouvelle "géopolitique", quelques galeristes tentent des aventures isolées. "L'essentiel, c'est notre programme : s'il est bon, les gens viendront", résume Jocelyn Wolff, qui vit bien sa greffe à Belleville : "C'est un territoire vierge, avec une vie de quartier authentique, qui plaît beaucoup à mes collectionneurs étrangers, lesquels comptent pour la moitié dans mes ventes. Les plus durs à déplacer, ce sont les institutionnels parisiens." Ceux qui font le déplacement sont des gens motivés. "Ils viennent pour voir les œuvres. Ils restent longtemps, sans être tentés de passer à la galerie voisine. Du point de vue commercial, ça marche très bien, ce qui en surprend beaucoup, et moi le premier", ajoute Jocelyn Wolff. Autre avantage du Nord-Est parisien, le coût des loyers y est encore raisonnable : l'argent économisé sert à financer la production des œuvres. Le marchand participe à la création et peut s'attacher la fidélité de l'artiste qu'il promeut.

    Si d'autres galeristes choisissent de se déplacer en "tribu", c'est essentiellement pour des raisons pratiques. En se regroupant, les professionnels mutualisent les moyens : ils font fichier commun, organisent des vernissages en même temps - c'est le cas du pôle de la rue Louise-Weiss. Bref, tous gagnent en visibilité. Y compris les élus, quand ils sont sensibles à l'art - rien de mieux qu'un ensemble de galeries pour donner une identité à un quartier, d'autant plus quand celui-ci est neuf : au milieu des années 1990, Jacques Toubon, alors maire (RPR) du 13e arrondissement, et président de la société d'économie mixte qui gérait la construction du quartier de la nouvelle Bibliothèque nationale de France (BNF), a répondu à l'appel de galeristes pressés de quitter la Bastille. "Je n'avais qu'une idée : valoriser le quartier, au sens de l'ennoblir. C'est une formidable occasion de centraliser un quartier excentré", explique M. Toubon, aujourd'hui député européen (UMP). En avril 1997, six galeristes se sont installés rue Louise-Weiss, notamment au rez-de-chaussée d'un bâtiment du ministère de l'économie et des finances.

    L'endroit, entouré de bureaux et de nombreux logements sociaux, n'a rien d'une carte postale de Paris, mais les galeristes en ont tiré parti en négociant des tarifs avantageux :"Les locaux étaient inoccupés depuis cinq ans, et plus ou moins squattés", raconte Bruno Delavallade, de la galerie Praz-Delavallade. Les loyers, quasi nuls au départ, restent modestes : on peut trouver un espace de 150 m2 pour 5 000 euros par trimestre.

    Le Marais demeure très coûteux, mais l'industrie de la mode est prête à payer le prix fort pour organiser ses showrooms dans des locaux spacieux, à deux pas des boutiques les plus branchées de la capitale. Un galeriste du Marais, qui souhaite garder l'anonymat, avoue que son loyer annuel de 22 000 euros est largement compensé par les 24 000 euros qui lui sont versés pour quatre semaines de location durant les "Fashion Weeks". L'obstacle du prix de l'immobilier peut être franchi.

    DES ÉLUS DÉROUTÉS

    Cette nouvelle attitude déroute les élus locaux. A tort ou à raison, certains ne voient pas l'intérêt de soutenir une galerie si celle-ci ne développe pas une démarche en direction des habitants du quartier. "Les gens n'osent pas entrer dans les galeries", constate Nadine Rémy, adjointe à la culture de la maire (PS) du 12e arrondissement, Michèle Blumenthal, qui ne cache pas ses réserves à l'égard des "galeristes qui tournent en rond autour d'eux-mêmes".

    "Nous misons sur le partenariat avec les galeristes", dit-elle en citant l'exemple de Claude Samuel : installé dans l'une des arches du viaduc des Arts, il a mis son local à disposition de la chorégraphe Carolyn Carlson, lors de la dernière Nuit blanche, en octobre 2004. "Nous sommes aujourd'hui un des rares loisirs gratuits, d'accès totalement libre ! Or la gauche nous perçoit toujours comme une activité élitiste", déplore Emmanuel Perrotin. "La Maison rouge a attiré 40 000 personnes depuis son ouverture, il y a six mois, et je n'ai toujours pas vu le maire...", grince Antoine de Galbert. Il n'est pas sûr que les mutations en cours atténuent le malentendu.

    Harry Bellet et Clarisse Fabre


    A chaque époque son quartier parisien

    Les galeries d'art, au sens moderne du terme, naissent au XIXe siècle, avec les Durand-Ruel, les Vollard, les Kahnweiler, qui s'installent alors dans un quartier neuf de Paris créé par Haussmann, le 8e arrondissement. C'est là que, jusqu'en 1945 et malgré les guerres, se fera le marché de l'art mondial. Y subsistent encore quelques fleurons (Louis Carré, Lelong, Ariel) et quelques jeunes pousses, comme la galerie Jérôme de Noirmont. C'est aussi dans ce quartier que se sont implantées les maisons de vente Christie's et Sotheby's.

    A la Libération, la modernité est dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. L'art contemporain aussi. Aux pionniers des années 1950 se sont substitués des résistants, comme Georges Philippe et Nathalie Vallois, Alain Le Gaillard, Loevenbruck, Arnaud Lefebvre ou Kamel Mennour, qui gardent la fidélité des collectionneurs d'art contemporain, comme Antoine de Galbert.

    Au mitan des années 1960, le marché de l'art contemporain délaisse Paris pour New York. Cependant, l'ouverture en 1977 du Centre Pompidou attire une nouvelle transhumance, vers le plateau Beaubourg. Les années 1980 connaissent une éphémère flambée du côté de la Bastille, et les dernières années 1990 voient naître un nouveau pôle, rue Louise-Weiss, dans le 13e arrondissement.

    LE MONDE | 26.01.05 | 14h50     ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 27.01.05

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  • Photo: La chaise «émotive», elle change continuellement de couleur, grâce a un système électronique incorporé... http://www.philippebouletcreation.com/index.php


    Vous avez dit classique?


    Impertinents, les créateurs s'emparent des icônes de la décoration et les métamorphosent par un jeu de matières, de patines et de couleurs. Gros plan sur cette révolution de salon.

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    Ici une bergère revêtue d'un vinyle nacré scintillant, là une console aux jambes galbées en Dacryl rose. Ici encore, un chandelier en poly-carbonate translucide et une baignoire orange à pieds de lion... Quel est donc ce coup de baguette magique qui redonne aux meubles de nos grand-mères une jeunesse fringante? Dans les catalogues et les boutiques de déco, les «Louis» nouvelle génération se collectionnent à la pelle. En dentelles de papier ou en plastique chic, les lustres reprennent leur place dans nos salons. Même le papier peint, hier ringardisé, revient égayer nos murs sous forme d'autocollants! Ce retour à l'ornement annoncerait-il la fin de l'ère de l'épure? Acte de transgression ou relent de nostalgie, que se cache-t-il derrière ces réécritures du passé?

    Les spécialistes sont unanimes: «Cette tendance découle d'un besoin des consommateurs d'être rassurés. En ces temps d'inquiétude et d'instabilité, ils ont un mal fou à se projeter dans l'avenir. Et, quand ils y parviennent, c'est en gardant un œil sur le rétroviseur... En revanche, le classique pur et dur ne les intéresse pas, c'est de réenchantement qu'ils ont besoin», affirme Vincent Grégoire, du bureau de style Nelly Rodi. Une tendance réaffirmée au cours des dernières éditions du Salon Maison & Objet (qui s'apprête à souffler, le 28 janvier, ses 10 bougies), comme ont pu le constater ses quelque 3 000 exposants et 66 000 acheteurs. Tous se félicitent d'une progression de 3% (en valeur) du marché du meuble en 2004. Surtout après deux années de baisse d'affilée. «Les Français, ne songeant plus aujourd'hui qu'à devenir propriétaires, ont du même coup l'irrésistible envie de renouveler leur intérieur», pointe Christophe Gazel, directeur général de l'Institut de promotion et d'études de l'ameublement (Ipea). Sans, pour autant, tout bouleverser: 32% des ménages rêvent ainsi d'une déco classique et 13% d'une déco néoclassique, d'après l'étude «Déco Reality», réalisée par l'Ipea en juillet 2004, auprès d'un échantillon de 2 000 personnes.

     
    «Après des années de minimalisme et de monochromie, les consommateurs ont envie de douceur et de légèreté. Ils en ont marre du jus de crâne et du fonctionnel sans charme», poursuit Vincent Grégoire. Signe du temps, même Ikea, spécialiste du meuble en kit, affiche, en couverture de son catalogue 2005, un lit en fer forgé dans le pur esprit néoromantique. «Ce qui ne veut pas dire que le géant suédois renie son passé. Au contraire, il a compris que les consommateurs étaient désormais ouverts au mélange des styles», analyse Christophe Gazel. Un changement que confirme Jean-Eric Chouchan, directeur du marketing de Roche Bobois: «Notre clientèle est de moins en moins monostyle. Elle choisit à la fois du design dans la collection les Contemporains et du traditionnel revisité dans les Provinciales.» Une collection dont les ventes affichent une augmentation de 7% en 2004. «Pas question, aujourd'hui, de transformer sa maison en musée ou en salle d'attente de médecin bourgeois. Comme dans la mode, la nouvelle génération, décomplexée, multiplie les contrastes, les chocs, les touches d'impertinence», confirme Daniel Rozensztroch, styliste, auteur d'Influences, le cahier de tendances du dernier Salon du meuble de Paris, qui mixait allègrement les genres, de l'industriel grand style au rococo kitsch.

    Dans cet élan de liberté, les mélanges entre inspiration classique et design ultracontemporain vont bon train. Quel créateur n'a pas récemment proposé sa version de la chaise médaillon? Phénomène somme toute récurrent dans les arts décoratifs. «La récupération des styles a toujours existé. Autour des années 1750, on vit apparaître un style néo-Louis XIV et toute une série de meubles qui revisitaient ceux de l'ébéniste virtuose Boulle. Le XIXe fut le siècle de l'historicisme, on revisitait alors la Renaissance, le baroque, le rocaille», observe Bertrand Rondot, conservateur au musée des Arts décoratifs, chargé des collections du XVIIe et du XVIIIe siècle. Rappelons-nous aussi les excentricités du duo Garouste et Bonetti, initiateur du «nouveau baroque», dans la grisaille de la fin des années 1980... «Les créateurs puisent dans ces grands styles, car ils ont besoin de se rattacher à une histoire comme à un âge d'or à la fois social et esthétique», ajoute le conservateur.

    «Si ce genre d'exercice réussit tellement bien, c'est parce que le designer y appose sa patte et son humour»

    Pour bon nombre de spécialistes, ces flash-back sont aussi le signe d'une certaine panne d'inspiration... «Les jeunes designers ont en effet tendance à trop regarder le passé et ne consacrent pas assez de temps à la recherche», regrette Patrick Renaud, professeur, responsable de l'atelier mobilier de l'Ecole nationale des arts décoratifs, à Paris. Reste que, aujourd'hui comme hier, les adeptes de ces réécritures ne se livrent pas à des copies serviles, mais adoptent volontiers un ton désinvolte. Avec des matériaux et des techniques de leur temps.

     
    Véritable emblème de cette démarche, le Louis Ghost, de Philippe Starck. Un cabriolet Louis XVI transparent, en polycarbonate. Ou comment alléger le poids du passé tout en actionnant le levier de la mémoire collective. Un succès immédiat pour l'éditeur italien Kartell, qui en a déjà vendu 200 000 exemplaires à travers le monde depuis sa commercialisation, en 2002. Suivront bientôt les tabourets Charles Ghost, aux pieds effilés façon guéridon Louis XV. «Si ce genre d'exercice réussit tellement bien, c'est parce que le designer y appose sa patte et son humour», remarque Elizabeth Leriche, du bureau de style Nelly Rodi, auteur de l'exposition Ultralux au Salon Maison & Objet. Le couturier Paul Smith, qui devrait ouvrir au printemps à Londres une boutique spécialement consacrée à la déco, représente parfaitement cette attitude. Customisés à l'aide de tissus pop ou ultragraphiques, ses meubles de style sont fidèles à sa mode: «classic with a twist». Comprenez classique, mais légèrement décalé.

    Un état d'esprit que certains fabricants français ont su adopter avec talent, avec, en premier lieu, Moissonnier. Créée en 1885 par Emile Moissonnier - ébéniste, peintre et sculpteur - la société de Bourg-en-Bresse (Ain) conçoit dans ses ateliers une cinquantaine de meubles par semaine: des commodes Louis XV, des bergères à oreilles, des marquises gondoles pas tout à fait comme les autres. Du bleu turquoise au rose pétard en passant par le vert amande, Jean-Loup Moissonnier, ancien photographe de mode revenu à l'entreprise familiale, s'autorise toutes les audaces. Surtout, la maison cultive l'art des patines anciennes qui a fait sa réputation. Après être passé par les mains de l'ébéniste, le meuble est peint, puis patiné et vieilli à la main à l'aide d'un poinçon. Résultat: au sortir de l'atelier, il possède à la fois le charme de l'ancien et tous les avantages esthétiques ou pratiques du contemporain. Fort de ces partis pris, en cinq ans, le chiffre d'affaires de la société (réalisé à 65% à l'export) a doublé.

    Dans cette lignée, une nouvelle génération de décorateurs est en train d'imposer un nouveau classicisme, fait de ruptures de style. Il suffit de pousser la porte du showroom parisien de Guillaume Alan pour s'en rendre compte. Sur fond de sol en béton ciré, un mur en lambris laqué, une table rectangulaire signée Jean Nouvel, un canapé ultracontemporain voisinent avec une méridienne blanche en vinyle nacré et des chaises Napoléon III. «Ce lieu symbolise la façon épurée dont je réunis moderne et ancien», explique le décorateur de 27 ans, qui compte Loulou de la Falaise, ex-égérie d'Yves Saint Laurent, parmi ses fans. Sa spécialité: rajeunir le mobilier français du XVIIIe siècle. Sa méthode: retravailler les proportions, agrandir les assises, augmenter leur profondeur, affiner les pieds, redessiner les dossiers... Chez lui, la méridienne devient un Spa Bed, les rideaux sont en toile de parachute. Ses marquises sont recouvertes de tissu de tenue de plongée légèrement satiné et extrêmement solide. Une trouvaille ingénieuse qu'il a aussitôt baptisée le «velours 2004».

    De plus en plus de créateurs transgressent les règles des matières et s'affranchissent de la tyrannie des formes. «Pourquoi les radiateurs devraient-ils obligatoirement être dénués de charme au point qu'on veuille les cacher?» interroge le designer Joris Laarman. A tout juste 24 ans, ce Néerlandais a tapé dans l'œil au célèbre collectif Droog Design en créant un gigantesque radiateur baroque, dénommé Heat Wave («vague de chaleur»). Presque un manifeste pour réunir forme et fonction dans un même objet complètement inattendu. La carcasse d'un cabriolet Louis XVI peut, elle aussi, se prêter au jeu de l'expérimentation et de la double fonctionnalité. Léon, le fauteuil imaginé par Philippe Boulet, est équipé de leds (diodes électroluminescentes) et s'improvise ainsi à la fois comme siège et lumière d'ambiance. Le designer néerlandais Maarten Baas, 26 ans, auteur de la très prisée collection de meubles Smoke, éditée par Moooi, repousse encore plus loin ces limites en brûlant des meubles déjà existants. Une méthode radicale pour s'affranchir du passé tout en exploitant une nouvelle esthétique, à travers la couleur noire du bois carbonisé, au charme décadent. Et, malgré leurs formes détournées, tous ses objets demeurent purement fonctionnels.

     

     

    Dans un style plus fantaisiste, Serge Olivares s'empare, lui aussi, de meubles anciens pour les hisser au statut d'objets uniques et précieux. Pour son quarantième anniversaire, la Biennale des éditeurs de la décoration, consacrée aux tissus d'ameublement (du 27 au 31 janvier), présente 18 de ses créations: des chaises Louis XV et Louis XVI revêtues de velours de soie, de cuir verni, de plumes ou de strass, et réalisées avec l'aide du tapissier Charles Jouffre, des passementeries Declercq et de la manufacture d'étoffes Prelle. Le résultat, des créations hybrides entre kitsch et néoclassicisme. La preuve que le tissu peut également se prêter à tous les jeux. «Un vent nouveau souffle déjà sur les collections. Les impressions et les soieries s'inspirent du XVIIIe, mais les fleurettes laissent place aux grosses fleurs exubérantes: pavots, hibiscus, dahlias, qui s'épanouissent dans des tons rose vif, rouge pivoine et vert mousse. De même, les velours unis reviennent en force dans des tons toniques, indigo ou turquoise», assure Christiane Thomas, responsable du centre de documentation de la Chambre syndicale des éditeurs de tissus d'ameublement (CSTA). Mêmes effets de disproportion, de couleurs et de matières au Salon Maison & Objet éditeurs, qui se tient pour la première fois cette année autour de 72 maisons françaises et étrangères, au Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis).

    Modernisé, le papier peint fait, lui aussi, son grand retour. Le voici qui resurgit un peu partout, avec de nouveaux supports, comme les stickers, l'une des spécialités de l'atelier LZC, créé en 2001 par un trio de jeunes diplômés en design textile. «Plus personne n'a envie de recouvrir ses murs de papier. Ce système d'autocollants est à la fois plus économique et bien plus facile d'utilisation», explique Michael Cailloux. Depuis septembre 2004, Habitat propose aussi une «collection alternative». Baptisée «Vinyl», du nom du matériau utilisé, elle se compose de plusieurs créations signées Matali Crasset, Antoine et Manuel, Traffik. Le principe: des kits de motifs en vinyle adhésif, à coller librement sur son mur. Une occasion de plus de s'approprier son décor selon sa propre inspiration.

    «Il n'y a plus de bon ni de mauvais goût. Du moment que l'on est son propre décorateur, tout passe. On va désormais placer côte à côte un tabouret en Plexi et un fauteuil de style recouvert d'un Skaï imperméable à nettoyer d'un coup d'éponge. C'est le grand zapping», renchérit Daniel Rozensztroch. Le célèbre interdit de l'architecte Adolf Loos, «L'ornement est un crime», qui pèse sur la décoration depuis le début du XXe siècle, serait-il en train de tomber? Il se trouve en tout cas sérieusement remis en question. Du moins jusqu'au prochain dogme esthétique, selon l'implacable loi des cycles.
     
     

    Louis 5 D,
    l'applique fantôme


    C'est l'histoire d'un projet de fin d'études devenu un best-seller. Blandine Dubos, 29 ans, était encore à l'école Camondo quand elle a imaginé son applique Louis 5 D. «J'ai d'abord réfléchi sur les différentes manières de gagner de la place dans un petit espace. J'ai ainsi commencé à travailler sur l'écrasement des meubles de façon à ne retenir presque que leur fonction. Une série d'objets est née. Parmi eux, le luminaire s'est avéré le plus parlant.» Ligne Roset ne s'y est pas trompé et l'a édité dans la foulée, réalisant l'une de ses meilleures ventes dans cette catégorie (pour 2005, l'entreprise prévoit d'ores et déjà d'en vendre 5 000 exemplaires). Entre-temps, la toute première création de la designer avait décroché le label VIA 2004. Son secret? Une forme en Plexi transparent évoquant un lustre Louis XIV mais équipé d'une simple ampoule dont l'ombre portée suffit, à elle seule, à créer toute la magie. «Le souvenir du lustre de grand-mère parle à tout le monde. Quand les gens regardent mon applique, souvent ils sourient. J'ai alors le sentiment d'avoir réussi mon pari.» La lumière version Louis le Quatorzième retrouve ainsi sa place. Royale.
     
     

    Maarten Baas,
    l'allumé rebelle


    Quel est ce designer sans scrupule qui détruit des meubles d'époque? Et qui, après les avoir compressés, plongés dans l'eau ou jetés par la fenêtre, décide, tout simplement, de les brûler? Pas au point de les réduire en cendres, mais juste ce qu'il faut pour les carboniser, les teintant ainsi d'un noir profond. Cet allumé, c'est Maarten Baas. Un Néerlandais de 26 ans, sorti il y a deux ans de la Design Academy d'Eindhoven... et déjà célèbre grâce à Smoke, son projet de fin d'études, une série de fauteuils et d'objets anciens brûlés et recouverts d'un vernis époxy. Un acte rebelle qui l'a aussitôt étiqueté comme le représentant d'une jeune génération avide de transgresser ses repères. «Ce projet est né de diverses interrogations. Qu'est-ce que la beauté? Qu'est-ce que la perfection, pourquoi l'associe-t-on à l'idée de symétrie et de raffinement? La nature n'est-elle pas belle et chaotique à la fois?»
    Dès la sortie de l'école, il est remarqué par Ikea, qui l'invite en France pour animer un workshop. Dans la foulée, Marcel Wanders, directeur artistique de la société de design Moooi, décide d'éditer une partie de la collection Smoke. Lancée dans les Salons internationaux en 2004, celle-ci fait un tabac.
    Depuis, les distributeurs peinent à satisfaire les demandes de leurs clients et les commandes spéciales affluent. Murray Moss, directeur de la galerie Moss à New York, lui a demandé une famille d'objets brûlés comprenant des icônes du design, de Charles Eames aux frères Campana. Depuis l'ouverture de la chicissime Cristal Room de la Maison Baccarat, ses fauteuils baroques y trônent en majesté. Et Li Edelkoort, styliste de renom, lui a demandé de mettre le feu à un piano à queue, récemment exposé au Salon du meuble de Paris. L'incendie continue de se propager...
     
     
     

    Des sièges bien éclairés

    Elle change de couleur au gré de ses émotions. Son nom: l'Emotive. Son âge: 1 an quand elle s'allume, 200 ans et des poussières quand elle s'éteint. Cette création du designer Philippe Boulet, 30 ans, représente plus qu'une énième réplique de chaise médaillon Louis XVI. C'est un objet fonctionnel et poétique à la fois, un meuble lumineux. Une multitude de leds (des diodes électroluminescentes à très forte densité), lovées dans une assise en Plexi, éclairent le siège. Et ce n'est pas tout. Par le biais d'un pilotage électronique, les couleurs se mélangent. Résultat: la chaise passe du rose au bleu, puis au vert... «J'ai grandi dans du Louis XVI, explique Philippe Boulet, créateur de meubles lumineux depuis huit ans. J'ai eu envie de redonner une âme à ce type de mobilier, de le faire revivre par le biais des dernières technologies. Léon, le petit dernier de la collection, est un fauteuil cabriolet dont même les accoudoirs sont éclairés de l'intérieur. Un «classique des années 2000», se félicite le designer.
    Philippe Boulet Création, 01-45-24-25-78 ou www.philippebouletcreation.com

    par Marion Vignal
     

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  • Dover Street Market.

    Photo: Dover Street Market, 17-18 Dover Street London W1(opened on September 2004)

    Désordre dans les magasins de luxe

    Après les magasins «zen» où tous les articles sont soigneusement rangés, voici que s’annonce «l’esprit bazar», source d’inattendu et d’achats plus spontanés, recréant une impression de désordre, comme sur les marchés. La marque de créateur Comme des Garçons vient ainsi de transformer, à Londres, un ancien immeuble de bureau de 1 200m² en un squat de luxe multimarques de Six Niveaux : Le Dover Street Market. Les magasins de luxe multiplient les initiatives et les expériences pour, sans cesse, renouveler l’intérêt de leurs clients et maintenir chez eux un étonnement permanent.

    http://www.altema.com/InfosFlash/if.htm#anchor1

    photo: Christobal Palma

    DISTRIBUTION

    marketstore

    LE FAIT

    Sans aucune intervention d’architecte, la marque de créateur Comme des Garçons vient de transformer, à Londres, un ancien immeuble de bureaux de 1.200 mètres carrés en un squat de luxe multimarques de six niveaux : le Dover Street Market. Alternative aux mégastores du luxe, tous identiques de New-York à Shangaï, le lieu se veut plus “market” que “store”, puisque chacune des marques présentées a la liberté de décider des articles qu’elle vend et de la manière de les vendre. Deux cabanes de jardin (l’une pour abriter la caisse, l’autre pour le stock) accentuent le côté brut du lieu.

    L’ANALYSE

    Conscients du risque d’uniformité qui les guette, les magasins de luxe multiplient les initiatives et les expériences pour, sans cesse, renouveler l’intérêt de leurs clients et maintenir chez eux un étonnement permanent. Plutôt qu’une démonstration architecturale, le parti pris retenu est, ici, de créer une impression de désordre (comme sur les marchés) générée par l’entière liberté laissée aux marques représentées (chacune “habite” son espace), tant dans leurs sélections d’articles que dans leurs choix de présentations. Après les magasins “zen” où tous les articles sont soigneusement rangés, voici que s’annonce “l’esprit bazar” source d’inattendu et d’achats plus spontanés. Dans le monde du luxe, qui chasse l’imperfection et fait l’éloge du parfait, les défauts et les imprécisions ne deviendraient-elles pas sources de valeur ajoutée, témoins du vivant et du vibrant ?


    L’œil laser, n°115, Décembre 2004)

    photo: Christobal Palma

    Dover Street Market

    words: Lauren Goldstein Crowe

    Call it the anti-flagship. Dover Street Market is the latest retail venture by Comme des Garcons founder and designer Rei Kawakubo – and it turns the notion of the luxury fashion emporium on its head.

    Located in a Georgian-fronted building in Mayfair, London, the project is inspired by Kawakubo’s memories of the legendary Kensington Market (which closed early last year), a scruffy, rambling indoor fashion bazaar that showcased young designers and launched the careers of stars such as Alexander McQueen.

    “The first place we go when travelling is the local market,” says Comme des Garcons commercial director Adrian Joffe, who is married to Kawakubo. “Rei remembers Kensington Market. What she liked most was the anarchy of the place.”

    The raw shell of the interior of the Dover Street Market store is given over to retail and studio space for designers selected by Kawakubo and Joffe.

    “We just took the shell from the contractors,” explains the fashion label’s spokesperson, Annika McVeigh. “We haven’t worked with an architect, we worked with set designers. There were no rules – except that accidents are OK.”

    The Dover Street Market is a departure from Kawakubo’s other retail adventures – especially the flagship Comme des Garcons stores in New York (by Future Systems) and Paris (by Kitchen Rogers Design), two of the most beautiful architect-designed retail units anywhere.

    But it’s different too from her recent string of “guerrilla” stores that have opened in such diverse spots as Berlin, Singapore and Ljubljana, Slovenia. These open for just a year at a time in un-refurbished retail units in unfashionable parts of town.

    At Dover Street, Kawakubo and Joffe have taken a building in a prime location (Dover Street is a stone’s throw from the Guccis and Pradas of Old Bond Street) and
    de-styled it.

    Joffe says they spent £800,000 to renovate the space and hope to have a first-year turnover of £5 million, which would enable them to turn a small profit. Compare that to the £60 million Prada spent on its Herzog & de Meuron-designed Tokyo outlet and the financial logic of the venture appears clear.

    Besides showcasing the various Comme des Garcons ranges, Kawakubo and Joffe have given over about half the building to other brands, mostly run by friends, and including several that had never before been sold outside Japan. The company acts like a mall operator, taking a percentage of sales from each stall to cover the costs of the 15-year lease.

    “We chose people because they have a point of view,” says Joffe. “They don’t all have our point of view, but they all have something to say.”

    The stalls include a vintage shop by Cameron Silver of Decades in LA, the Lanvin collection by Alber Elbaz, east London hipsters Boudicca, photographer Bruce Weber and jewellery designer Judy Blame. Young London design outfit Amplifier also has a stall.

    http://icon-magazine.co.uk/issues/017/dover.htm

    photo: Christobal Palma

     

    Welcome Comme

    Bare walls, steel beams. portacabin changing rooms, huts and display cabinets with stuffed birds and animal parts are just some of the things you will encounter at Comme des Garcons' new London shop, Dover Street Market. Set across six floors, Dover Street Market brings together over a dozen artists/designers chosen by Rei Kawakubo to share a place "where various creators from various fields gather together and encounter each other in an ongoing atmosphere of beautiful chaos". At the preview on Friday, September 10, Comme's Director of Communications Annika McVeigh told us: "We are very keen for everyone to do what they want in their own space. We have invited people here because we like their vision, it is an important part of the project that they develop their spaces as they want." Raf Simons' archives collection is on sale and alongside his fantastic menswear, you'll find great jewellery, there are shoes by Terry de Havilland and a boudoir boutique by Bouddica. Head to the basement for Undercover, a collection of Comme des Garcons trousers with Dover Street emblazoned across the bum and Judy Blame jewellery which comes housed in brown boxes each signed by Judy and hand decorated (prices from £250 to £2,250 for the Chanel is Dead necklace). Comme devotees won't be disappointed because the Market includes menswear, womenswear, footwear, perfumes, bags, shoes as well as the PLAY and Fred Perry SHIRT collections. SHOWstudio is selling some its 01 box sets and there are plans to broadcast interviews and live events from the Market through the autumn.

    • Dover Street Market is at 17-18 Dover Street London W1. Doors open on Saturday September 11 2004 and then Monday-Saturday 10am-6pm. Tel: 020 7518 0680.

    http://www.widemedia.com/fashionuk/news/2004/09/10/news0003277.html


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  • Des chercheurs américains créent des robots microscopiques

    Des cellules de rat implantées sur des puces de silicium microscopiques sont capables de se déplacer seules et de travailler comme de mini-robots, constituant une possible première étape vers la création de machines auto-constructibles, annonce une équipe de chercheurs américains dans la revue scientifique Nature Materials, parue dimanche.
    Jianzhong Xi, Jacob Schmidt et Carlo Montemagno, de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), décrivent une nouvelle méthode pour combiner des cellules vivantes avec des puces électroniques afin de doter ces dernières de petites pattes primitives leur permettant de se déplacer. Les scientifiques ont commencé avec une cellule simple implantée dans une puce de silicium spécialement traitée. Dans une autre expérience, ils ont utilisé des cellules de coeur de rat pour créer un petit appareil capable de se déplacer seul par la contraction de ces cellules. Un autre appareil combine une puce dotée d'une paire de minuscules pattes de grenouille.
    Ils ajoutent qu'au final, il serait peut-être possible de faire pousser des machines capables de s'assembler seules grâce à cette méthode.

    Source : Liberation.fr


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